Refusée en fac de droit, elle ne peut invoquer la Charte
Jean-francois Parent
2019-09-03 12:00:00
Ainsi en ont décidé deux cours saskatchewanaises, soit les cours du Banc de la reine et d’appel.
Lorsqu’Alicia Yashcheshen veut s’enrôler au programme de droit de l’Université de la Saskatchewan, en 2014, il est expliqué dans sa demande d’admission qu’elle doit réussir l’épreuve LSAT (Law School Admission Test), une exigence pour être admis en fac de droit. Mme Yashcheshen invoque que la maladie de Crohn qui l’afflige l’empêche de se présenter aux examens d’admission.
L’Université refuse sa demande, et la jeune étudiante dépose une plainte, d’abord à la Commission des droits de la personne de la province, qui rejette la plainte.
L’affaire se transpose devant la Cour du banc de la reine, qui tranche également en faveur de la fac de droit de l’Université de la Saskatchewan. Comme l’école n’est pas un organe du gouvernement, et qu’elle n’applique pas de politique gouvernementale, ses critères d’admissions sont à sa discrétion et ne sont pas assujettis à la Charte.
La décision, portée en appel, a été maintenue le 30 juillet dernier. Les juges ajoutent à la décision de première instance en observant que la loi constitutive de l’Université en fait une corporation autonome, ce qui exempte certaines de ses pratiques de l’application de la Charte.
Pour l’analyste Cory Giordano,du cabinet Supreme Advocacy, qui tient une chronique sur CanLII, cette décision réaffirme que la Charte ne s’applique qu’aux organismes gouvernementaux, selon l’article 32(1).
Les organismes privés n’y sont soumis que lorsqu’ils appliquent des politiques gouvernementales, ou des régimes réglementaires publics. Par exemple, les règles internes de gestion disciplinaire d’une université, tout comme ses règles concernant le droit de manifester par exemple sont soumises aux exigences de la Charte.
Cependant, en matière d’évaluation des performances scolaires et de la gestion des biens immobiliers, pas de Charte non plus.
Il reste que, même si elle n’est pas gouvernementale de par sa nature, la fac de droit n’est-elle pas quand même soumise aux dispositions de la Charte ? Ses politiques d’admission des étudiants en droit peuvent être vues comme une composante de l’encadrement réglementaire des avocats, et donc du ressort de la politique publique.
C’est du moins ce que fait valoir l’analyste de Supreme Advocacy, selon qui la question n’a pas été posée par Mme Yashcheshen, ni par les juges.
En fait, les tribunaux ont fait l’équivalence entre les critères d’admission et la gestion des résultats scolaires, qui est à la discrétion de l’université. Une telle approche prohibe une application possible de la Charte.
« Mais si l’on devait voir les critères d’admission comme un élément de l’encadrement de la profession juridique, est-ce qu’on ne n’arriverait pas à conclure que les règles d’admission sont dans les faits une application d’une politique gouvernementale soumise à la Charte ? », conclut Cory Giordano.